Qu’est-ce que le management pathogène ?
Quand on aborde la question des risques psychosociaux, on évoque nécessairement le management : en effet, certaines méthodes de management génèrent des risques psychosociaux au sein des équipes. Les pratiques disciplinaires et le contrôle du travail font partie des prérogatives de l’employeur mais elles doivent être utilisées avec loyauté et bonne foi. Une surutilisation du lien de subordination, des pratiques relationnelles qui cherchent à asseoir la relation de subordination comme une relation de pouvoir sont mal ressenties par les collaborateurs de l’équipe et peuvent générer de la souffrance au travail. Le pouvoir de direction et d’organisation du geste de travail peuvent entraîner la perte du sens du travail, du lien au réel, rendre invisible le salarié ou l’épuiser…
Quelques exemples concrets qui traduisent un management pathogène
Surutilisation du pouvoir de direction et d’organisation, des règles disciplinaires
Pratiques d’isolement
Perte du sens du travail
Injonctions paradoxales
Mise en scène de la disparition
Destruction par l’hyperactivité
Coupure entre le manager et son équipe
Quelques exemples concrets qui traduisent un management pathogène
De nombreuses attitudes dans le quotidien traduisent un management pathogène.
Quelques exemples
- Tutoyer sans réciprocité
- Enjoindre de tutoyer et d’embrasser
- Instaurer une asymétrie hiérarchique
- Couper la parole fréquemment
- Utiliser un niveau verbal élevé et menaçant
- Faire disparaître les savoir-faire sociaux : ne pas dire bonjour, ne pas dire merci, ne pas dire au revoir, etc
- Utiliser des injures sexistes, racistes, des mises en cause professionnelles face aux collègues ou au public, à la clientèle
- Cesser toute communication verbale avec un collaborateur : utilisation exclusive de post-it, notes de services, courriels, etc
- Ne plus regarder dans les yeux
- Utiliser l’entretien d’évaluation pour régler des comptes
- etc
Surutilisation du pouvoir de direction et d’organisation, des règles disciplinaires
La surveillance humaine ou technologique de tous les faits et gestes peut devenir persécutrice.
Quelques exemples concrets :
- contrôle des communications téléphoniques par ampli ou écoute,
- vérification des tiroirs, casiers, poubelles, sacoche et sac à main du salarié,
- contrôle de la durée des pauses, des absences,
- contrôle des conversations et relations avec les collègues,
- obligation de laisser la porte du bureau ouverte,
- demande abusive de reporting,
- utilisation des nouvelles technologies informatiques pour contrôler, mesurer et surveiller l’activité corporelle et psychique du salarié.
Les pratiques punitives mettent les salariés en situation de justification constante et s’avèrent contreproductives en détruisant la reconnaissance du travail.
Quelques exemples concrets :
- refus réitéré des demandes de formation du salarié,
- incohérence des procédures de notation et d’évaluation jouant sur les tableaux d’avancement d’échelon et de grade,
- notes de services systématiques ( plusieurs par jour),
- réunions disciplinaires,
- blâmes et avertissements pour faits véniels,
- utilisation réitérée de lettres recommandées avec accusé de réception, déposées par huissier,
- affectation autoritaire dans un service,
- incitation forte à la mutation, à la démission,
- blocage à la mutation,
- heures supplémentaires non validées et non compensées,
- vacances imposées ou non accordées au dernier moment,
- multiplication intentionnelle des courriels.
Mais la sous-utilisation des règles disciplinaires est également porteuse de difficultés.
Par exemple :
- limiter les remarques et contraintes aux salariés syndiqués pour préserver la paix sociale,
- instaurer des tolérances pour ne pas dégrader la qualité relationnelle avec certains collaborateurs,
- accepter des comportements déviants pour ne pas avoir à affronter des personnalités difficiles, etc
Pratiques d’isolement
Les pratiques d’isolement vont également utiliser la relation pour séparer un salarié de son collectif de travail : la mise au ban, l’isolement, la solitude génèrent des états de détresse psychique majeurs.
Par exemple :
- changements d’horaires de repas pour séparer des collègues habituels,
- omission d’information sur les réunions,
- omission d’invitation aux réunions concernant le salarié,
- injonction faite aux autres salariés de ne plus communiquer avec la personne désignée,
- complaisance pour certains mais rigueur excessive pour d’autres ( dans la gestion des horaires ou des temps de pause par exemple),
- répartition inégalitaire de la charge de travail, en qualité et en quantité,
- stigmatisation publique d’un ou plusieurs salariés devant le reste de l’équipe,
- management de concurrence stratégique, etc
Perte du sens du travail
Un management pathogène peut provoquer une perte de sens du travail.
Par exemple :
- travailler de façon trop séquencée sans vision du produit du travail,
- travailler à la limite de l’illégalité (non respect des règles, règlements et procédures),
- devoir appliquer des normes dites de qualité, en parallèle avec un travail exécuté en mode dégradé, etc
Injonctions paradoxales
Quelques exemples d’injonctions paradoxales qui peuvent générer de la souffrance au sein de l’équipe de collaborateurs :
- prescrire des consignes confuses et contradictoires qui rendent le travail infaisable, ce qui sera reproché dans un second temps,
- définir une procédure d’exécution de la tâche et une fois qu’elle a été exécutée, contester cette procédure,
- donner du travail sur le mode mission impossible,
- enjoindre de prioriser des tâches dont le degré d’urgence est présenté comme similaire,
- refaire faire une tâche déjà faite,
- fixer des objectifs sans donner les moyens de les atteindre, en qualité et en quantité,
- fixer des prescriptions rigides sans prise en compte de la réalité du travail,
- imposer l’obéissance à la prescription « au pied de la lettre »,
- corriger des fautes inexistantes,
- déchirer un rapport qui vient d’être rédigé en le jugeant inutile,
- faire venir le salarié et ne pas lui donner de travail,
- etc
Mise en scène de la disparition
Quelques exemples :
- supprimer des tâches définies dans le contrat de travail ou le poste de travail et notamment des tâches de responsabilité pour les confier à un autre sans avertir le salarié,
- priver un salarié de bureau, de téléphone, d’ordinateur,
- vider les armoires du salarié,
- effacer le salarié des organigrammes, des papiers à en-tête,
- enjoindre ses collègues de ne plus lui parler,
- supprimer les outils de travail et relationnels ( intranet, réunions)
- etc
Destruction par l’hyperactivité
Quelques exemples d’attitudes managériales qui conduisent à l’épuisement des salariés :
- fixer des objectifs irréalistes et/ou irréalisables conduisant à dépasser la durée légale du travail,
- entretenir ainsi une situation d’échec, un épuisement professionnel,
- émettre des critiques systématiques,
- déposer les dossiers urgents 5 minutes avant le départ du salarié,
- augmenter excessivement la charge de travail dans un temps imparti,
- obliger le « travail en apnée », entraînant la perte des temps de répit physiologique, cognitif et psychologique,
- envahir cognitivement, intellectuellement et physiquement le salarié hors du temps de travail par le biais des nouvelles technologies de l’information ( mails, téléphones, et)
Coupure entre le manager et son équipe
Pour différents motifs, le manager peut organiser progressivement une prise de distance vis-à-vis de son équipe. Cet évitement peut provenir entre autres du manque de temps, de la crainte d’une hostilité, d’un sentiment d’échec, d’un ressentiment vis-à-vis de son équipe.
Quelques exemples concrets :
- consacrer le plus clair de son temps à sa propre production,
- communiquer exclusivement par média ( notes de service, mails, post-it, etc),
- réduire à néant les temps d’échange ( réunions de services ou moments de convivialité),
- reporter sine die les réponses,
- fermer la porte du bureau aux collaborateurs, etc
Etre manager ne d’improvise pas : un cadre doit savoir créer les conditions de la bonne production. Les managers sont à la fois cibles, acteurs, détecteurs et préventeurs pour les risques psychosociaux. Les managers de proximité sont en première ligne pour la prévention : ils doivent apprendre, ainsi que toute la lignée managériale, à intégrer des principes de prévention des risques psychosociaux dans leur management au quotidien
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